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Les failles sont toujours là!


Hakim du CTC

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Voici un article,paru dans la rubrique "Idées-Débats" du quotidien "El Watan" ,concernant le séisme de Boumerdes ou les séismes en Algérie en général.

Les « failles » sont toujours là !

Mon grand père me disait souvent : « Wahi anda iwoulam nagh akhir attaf adhadhik soussem » (indique là où c’est utile sinon retiens ton doigt et tais-toi)..

Quelques rappels sur le séisme de Boumerdès et ses méfaits

Le mercredi 21 mai 2003 à 19h44, un séisme de magnitude 6.8 sur l’échelle de Richter a ébranlé les régions de Boumerdès, Alger, Tizi Ouzou, Bouira et Blida. Il a été ressenti dans un rayon de 250 km à partir de l’épicentre localisé à Zemmouri. Selon le bilan officiel, il a été déploré plus de 2300 morts, 10 000 blessés et 180 000 sinistrés. Quelque 15 900 édifices ou habitations ont été détruits et plus de 2700 sérieusement endommagés. L’analyse des dommages, disons-le une fois de plus, n’a permis aucune constatation inédite par rapport à ce qui a été observé lors des principaux séismes précédents (Chlef en 1980, Tipaza en 1989, Mascara en 1994 et Aïn Témouchent en 1999).

Causes des dommages

Sans nier l’importance du phénomène sismique, les experts ont signalé que les principales causes des dommages relèvent de :

1 Erreurs de conception (configuration architecturale inappropriée pour des ouvrages devant résister aux séismes).

2 Erreurs de calculs ( ?) ou sous-dimensionnement.

3 Mauvaise qualité de l’exécution et des matériaux de structure.

4 Non-respect des dispositions constructives réglementaires. En conséquence à « toutes ces causes » et en attendant la révision du code parasismique RPA99, un addenda correctif a reclassé les wilayas d’Alger et de Boumerdès en zones sismiques plus élevées (zone3).

Il prévoit des prescriptions plus restrictives sur l’utilisation des portiques autostables en béton armé.

Il déconseille fortement la conception de niveaux particuliers à grande hauteur ou à surfaces libres (réception, lobbies d’hôtels, salles informatiques etc.).

Commentaires

Sans vouloir être négatifs dans l’appréciation des faits et des mesures techniques prises, nous pensons que les remarques suivantes peuvent être utiles :

a) Concernant les causes des dommages :

Bien qu’il y ait eu certainement :

des conceptions d’ouvrages présentant des faiblesses vis-à-vis des sollicitations sismiques (absence ou mauvaise position des contreventements).

un sous-dimensionnement ou plutôt un mauvais dimensionnement, les erreurs de calculs ne devant pas être légion s’il y a eu calculs des structures. Le « gros » des dommages pour ne pas dire l’écrasante majorité devrait être imputé :

à la qualité et la résistance des matériaux

au manque de rigueur ou à la faiblesse du suivi des travaux.

au manque de qualification des ouvriers sur le chantier.

Bien que le bilan des dommages sur les ouvrages n’indique pas (sauf pour Alger) le nombre de constructions individuelles concernées, nous pouvons affirmer que ce sont ces constructions individuelles qui ont été le plus affectées (en nombre 26 000 pour 3700 immeubles environ dans la wilaya d’Alger), soit quelque 80% des constructions à usage d’habitation. Ce « ratio » confirme nos appréhensions énumérées dans une contribution intitulée Habitat et préservation transmise à au le ministre de l’Habitat en mars 1994. (1) Pourquoi tout cela ? Parce que ces constructions individuelles « n’obéissent » à personne. Le propriétaire, après avoir obtenu son permis de construire, va « importer » son maçon ou son artisan du bled et lui confie sa construction sans études, sans suivi, et sans contrôle !! Et après, on « s’étonne » de l’immensité des dégâts, et ces propriétaires viennent « réclamer » auprès des pouvoirs publics. A ce sujet, nous signalions dans notre contribution de 1994 (1) : « Malgré l’imposition de permis de construire, donc de règles d’urbanisme et d’architecture, on assiste, dans la majorité des cas, à des lotissements surchargés, anarchiques dans l’architecture, des voiries étroites, des assainissements aléatoires ou absents.Il apparaît nécessaire pour l’avenir immédiat d’imposer le respect strict des règles d’urbanisme. Cette mission pourrait être dévolue à des agences privées de contrôle et surveillance. Si l’on confie aussi à ces agences le contrôle technique de ces lotissements et des zones d’activité industrielles, on pourra générer un nombre considérable d’emplois, et ce, pour les raisons suivantes :

1 Il est impératif d’assister le maître d’ouvrage, propriétaire, entreprises et autoconstructeurs non soumis à l’obligation de contrôle CTC.

2 Le gaspillage important des matériaux stratégiques (ciment, aciers à béton) suite à des mauvaises conceptions ou à des surdimensionnements parfois nuisibles pour la sécurité des constructions (charges mal distribuées, zones fragiles, mauvaises exécutions, etc.)

3 Non-conformité aux règles d’urbanisme et au permis de construire.

4 Assainissements précaires pouvant altérer les nappes phréatiques et le réseau AEP, donc risques de maladies hydriques.

5 Actions sauvages (interdites) ou anarchiques comme :

les terrassements dans les zones accidentées

les surélévations

les activités industrielles, etc.

6 Les risques et les dommages ne peuvent êtres perçus qu’en cas de calamités naturelles (séismes, vents violents, inondations, pluies torrentielles, glissement de terrains, etc.) Toutes les catastrophes induites dans ces cas seront obligatoirement prises en charge par l’Etat, donc par les pouvoirs publics. Dans ce cas, autant prévenir que… consoler ». A ce titre, nous considérerons que les mesures prises à travers la loi de 2004 sont insuffisantes. Les techniciens de l’urbanisme n’ont ni le temps ni les moyens et parfois ni la compétence pour vérifier les études techniques. Quant aux constructions individuelles devant passer par les organismes CTC, nous pensons que ceux-ci ont mieux à faire (à moins de tripler leur effectifs techniques). Pour y remédier, nous réitérons nos propositions de 1994 (Cf 1) Les constructions collectives conçues, calculées, suivies et même contrôlées subissent :

Le manque d’encadrement des entreprises.

La faiblesse du suivi des travaux.

La mauvaise qualité des matériaux utilisés. Quand on voit ce qui arrive après un séisme (faibles dommages) en Californie, au Japon, à Hong-Kong, où les constructions sont autrement plus imposantes et les séismes autrement plus ravageurs (certains experts justifient les dommages minimes par le fait que ces séismes sont profonds et se manifestent loin dans l’océan), on se dit : « Il appartient aux hommes de forger leur destin au lieu de s’en tenir parfois à la fatalité. »

B) Concernant la révision du code parasismique RPA (addenda 2003) :

Nous considérons qu’il ne suffit pas « d’inflationner » les zones sismiques, les paramètres de calculs et d’apporter des « restrictions et des interdits ». Nous sommes de ceux qui considèrent que c’est aux solutions techniques de s’adapter à l’ouvrage et non le contraire. Pour ceux qui ne le savent pas, il est utile de signaler que lors de la construction de la Grande mosquée Hassan II, à Casablanca durant les années 1980, le roi Hassan II avait ordonné l’augmentation de la hauteur du minaret de quelque 30 mètres (jusqu’à 170 m), alors que celui-ci était déjà en cours de réalisation. Pour y répondre, la technique a fait son œuvre. L’augmentation des sections des éléments porteurs et de la densité des aciers apportent aussi son lot « d’inconvénients ». Devant la « forêt » des barres d’acier, le béton trouvera difficilement son chemin et connaissant nos techniques de vibration, des poches vides ne sont pas à exclure. L’augmentation des sections de béton et d’acier va entraîner en conséquence celle des masses « ennemi permanent » durant les séismes. Ainsi, en voulant servir, nous risquerons aussi de desservir. Cela nous rappelle quelque peu la situation qu’aurait vécue la Chine dans les années 1950 où, pour nourrir la population, il fallait augmenter la production de riz et pour augmenter cette production, il fallait plus de main-d’œuvre. Depuis le séisme de Chlef, en 1980, les restrictions et les interdits augmentent sans pour autant que les dégâts et les « anomalies » diminuent car, fondamentalement le problème est ailleurs ! Quand on utilise (et à quel prix ! ) du sable de moins en moins conforme (le problème de la disponibilité du sable est latent depuis la mi-80) (Cf 1). Quand nos carrières produisent et commercialisent des granulats de forme plate contenant poussières et impuretés. Quand les compositions et les dosages de matériaux sont approximatifs. Quand le préposé à la pompe à béton fait sa loi pour le rajout d’eau. Quand sont absents les moyens de « souffler » les fonds de coffrages avant le coulage du béton (on y trouve pêle-mêle mégots, boîtes à chique, clous, bouts de fil d’attache, etc.), particulièrement au fond des nœuds de portiques, alors le plan de cisaillement est déjà prêt !! Quand on procède au coulage des poutres d’abord et des dalles de compression des planchers parfois plusieurs heures après. Quand on bétonne les poteaux du haut de leurs 3 mètres avec un bidon et sans aiguilles vibrantes. • Quand tout ceci se fait sans la surveillance de près par l’encadrement technique. • Quand…Quand… Alors, bonjour les dégâts !!! Il ne faut pas s’étonner d’apprendre, dans ces cas, que les bétons des constructions endommagées lors du séisme de 2003 (prélèvements carottés) avaient une très faible résistance (14 à 17 MPA), au lieu des 25 à 35 MPA requis. N.B : Dans son rapport du 23 juillet 2003 sur le séisme de Boumerdès, l’expert Victor Davidovici a cité plus de 60 fois les défauts d’exécution. Nous nous rappellerons toujours ce bâtiment à plusieurs niveaux, dans la banlieue d’Alger, plastiqué par des terroristes en 1995, présentant en façade 2 poteaux pratiquement cisaillés. N’empêche que la bâtisse est restée debout sans écroulement structural :

parce que la solidarité des structures voisines a joué,

parce que le béton était performant,

parce que la mise en œuvre était adéquate. Nous ne le répéterons jamais assez, depuis que Rabelais l’a énoncé au XVIe siècle : « Une maison bien faite vaut mieux qu’une maison bien pleine !

c) Et les autres « séismes » ? :

Il y a aussi d’autres « calamités » provoquées par la main de l’homme.

1. nous ne savons pas pourquoi on érige des bâtiments logements en 5 voire en 6 niveaux totalement en voiles de béton dans les régions du Sud (Béchar, Laghouat, Biskra, etc.). L’intérieur de ces logements devient « four » ou « frigo », selon les saisons et les malheureux occupants, n’ayant pas d’autres espaces pour y échapper, se résignent à cette « fatalité ».

2. D’une façon épisodique ou récurrente, nous observons des effondrements des maisons sahariennes construites en toub après des pluies diluviennes ou des crues. Nous nous souvenons encore du dernier cas en avril 2004, où 800 habitations ont été détruites dans la wilaya d’Adrar après qu’il ait beaucoup plu ! Pourtant, un dispositif réglementaire pour atténuer cette « calamité » avait été conçu par le CTC avec la collaboration du CNERIB, en 1986, avec application obligatoire par arrêté ministériel en 1987 (Recommandations pour matériaux locaux et étanchéité saharienne). Il s’agissait, en particulier, de construire les murs extérieurs des maisons avec des blocs de BTS (blocs de terre stabilisée) dosées de 3% à 6% de ciment. Cela permettrait à ces murs de ne pas s’effondrer en présence d’eau (Cf1).

3. Nous devons évoquer aussi un événement douloureux et encore frais dans les mémoires ; les inondations de novembre 2001 à Bab El Oued Il a suffi d’une demi-journée pleine de précipitations pour qu’un drame entraînant 1000 morts et disparus s’en est suivi. Pourquoi cela ? Parce que en amont et sur les hauteurs, par des terrassements anarchiques et sauvages, on a décoiffé les collines, déshabillé les flancs des talus, amoncelé des centaines de monticules de terres, gravats et autres déchets, détourné les chemins et voies d’eau, etc. Pour ceux qui peuvent s’en souvenir, il faut rappeler qu’en février 1962, il a plu sans discontinuer 5 jours de suite dans tout le nord de l’Algérie y compris à Bab El Oued, sans provoquer de catastrophe particulière.

d) Les structures métalliques, technologie de l’avenir

Nous avons l’impression que les esprits des acteurs dans l’acte de bâtir sont « obnubilés » par le tout en béton, matériau lourd par excellence, quand on sait que les structures en acier éliminent toutes les insuffisances citées précédemment. Elles relèvent d’un matériau éprouvé, isotrope, ductile, à grande résistance (jusqu’à 15 fois celle du béton en compression). Qu’elles soient associées ou non au béton (structures mixtes), elles conviennent à tous les concepts et codes de construction. Elles peuvent apporter légèreté, meilleure sécurité, souplesse, esthétique, précision, moindres délais et peut-être moindre coût. Leurs résistances élevées peuvent permettre la réalisation de grands espaces et volumes, démontables et réutilisables, ailleurs. L’immensité des programmes de construction immédiats devrait inciter à la création de centaines de PME/PMI spécialisées dans le montage et l’habillage des constructions métalliques en intégrant les corps de métiers de second œuvre. On apportera ainsi innovation, rapidité, qualité et économie. La sécurité et l’entretien prenant une importance toujours croissante, la construction à structure métallique peut constituer la technique de l’avenir. N.B : Qui peut deviner que les immeubles la Grande Poste et le Maurétania à Alger et des dizaines d’autres sont en structure métallique

Par Ahcène Tadrist

Ancien DG du CTC-Centre

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